Objectif Hikertown. Angella connaît et n'a pas aimé. Que nous réserve cet endroit?

Mes pieds semblent aller mieux. J'ai changé de chaussettes. J'avais acheté sur les conseils de Francis des chaussettes fines qui semblaient plus appropriées par temps chaud. Je les ai troquées contre mes habituelles chaussettes de randonnée plus épaisses. On verra ce soir.

Aujourd'hui encore le chemin est agréable. Dans l'ensemble ça descend et vers 15h, j'atteins Hikertown. Ce lieu a été ainsi dénommé par son propriétaire, un producteur de cinéma sans doute spécialisé dans les films de cowboys. Quand j'arrive là, c'est en travaux. Des ouvriers transforme le garage en lieu d'accueil pour les randonneurs. Ils installent une cuisine et des douches. Je suis accueilli par un type assez jeune et très gentil qui me fait visiter les lieux, me montre l'endroit où je peux planter ma tente (un enclos avec des poules et des canards, des tables, des chaises et des hamacs). Il y a aussi un équipement de douche composé d'une citerne qui chauffe l'eau au soleil, équipée d'une pompe alimentée par une batterie et un panneau solaire. La "cabine de douche" est fermée par un buisson sur trois côtés et une porte sur le quatrième. Les toilettes sont aussi très spéciales. Elles sont situées dans une grande caravane avec deux portes, chacune donnant sur une pièce semblant servir de bureau ou de salle de réunion. Le lieu doit servir aussi de passage d'une pièce à l'autre. Lors de mon passage l'endroit semble toutefois inoccupé.

Mon hôte m'offre également de me conduire en voiture jusqu'au magasin le plus proche, ce que j'accepte volontiers ce qui me donne l'opportunité bien agréable de m'offrir quelques fruits et rafraîchissements. Enfin il m'indique où se trouve la boîte à "DONATION".

Ce sont les coqs bien sûr qui me réveillent. Le principal problème aujourd'hui devrait être l'eau. Cette immense plaine est très chaude. J'emporte cinq litres d'eau et je devrais trouver une "water cache" dans seize miles.

En effet, vers 13h 30 j'atteins la "water cache" avec de l'eau. J'ai fait douze miles environ. Pas loin, il y a un pont à l'ombre duquel je m'octroie une sieste. Après avoir refait le plein d'eau, je repars avec pour objectif  Tylerhorse Canyon qui devrait être un point d'eau mais peu sûr d'après mon guide.

Vers 18 heures, j'arrive à Tylerhorse Canyon. Il y a de l'eau qui coule. J'installe ma tente et je suis bientôt rejoint par Francis et "Ancient Brit" (c'est son "trail name"). C'est un anglais très original, adepte du naturisme et que l'on peut rencontrer complètement nu au détour du chemin. Il randonne seul et a préparé son voyage de façon peu banale, en faisant le trajet préalablement en voiture pour cacher sa nourriture tout au long de son parcours. Il a un GPS pour retrouver ses caches.

 Ancient Brit.

Après une bonne nuit, je repars vers 5h. J'ai près de 30km à faire pour atteindre la route qui mène à Tehachapi où je compte me réapprovisionner. La journée est moins chaude qu'hier mais ça monte pas mal ce matin mais ensuite je redescend dans une autre vallée. Je traverse aussi une zone qui a été incendiée mais dans laquelle la végétation commence à repousser. En approchant de la route je découvre les champs d'éoliennes.

J'ai aujourd'hui été retardé par une erreur de parcours. Généralement, le chemin est bien balisé mais il faut rester attentif, c'est pourquoi j'ai souvent un oeil sur mon GPS mais il suffit d'un moment d'inattention et me voilà hors du chemin.

Quand j'arrive à la route, il y a là "Buckeye" ("trail name" signifiant "marron d'Inde", le fruit du marronnier). C'est le nom donné aux habitants de l'Ohio dont il est originaire. Il a trouvé affiché sur un poteau, le numéro de téléphone d'un gars qui se propose de véhiculer, moyennant finance, les randonneurs jusqu'à Tehachapi. Il a téléphoné et attend son chauffeur qui ne tarde pas à arriver. Je profite de l'aubaine et nous partageons le prix de la course (10$, c'est honnête). Peu de temps après, nous voilà devant l'hôtel Best Western où nous prenons une chambre à deux lits. Je retrouve là Maggie et Angella qui sont arrivées ce matin.

C'est aujourd'hui un "zero day", repos.

Tehachapi est une petite ville traversée par une voie de chemin de fer ou l'on trouve à peu près tout sauf des bouteilles de gaz pour mon réchaud. Ça devient un problème pour moi. Je commande donc une bouteille par internet que je me fais livrer à Kennedy Meadows que je compte atteindre dans une semaine environ.

Je pars avec quatre jours de nourriture et le sac est lourd. Ce matin nous avons fait nos adieux à Angella qui termine là sa randonnée. Je garderai d'elle un très bon souvenir.

Vers 9h, je commence à marcher et je me sens assez en forme pour essayer de suivre Maggie. C'est un chalenge!

Après être monté à travers les champs d'éoliennes, le chemin redescend pour traverser une autoroute puis c'est une longue montée de près de 800 mètres. Finalement vers 18 heures nous arrivons près d'un point d'eau qui consiste en un bassin alimenté par un mince filet d'eau. Nous avons parcouru près de 40 kilomètres.

Ce soir c'est l'anniversaire de Maggie et on lui confectionne un gâteau pour célébrer. Moi, j'ai aussi la chance de me voir offrir une cartouche de gaz pour mon réchaud par un autre randonneur. Je suis vraiment chanceux.

Ce matin, ça va pas. J'ai mal au pied. J'ai un orteil tout enflé. J'attribue le problème au fait que j'ai voulu aller trop vite hier et je me suis blessé en marchant dans les cailloux. Définitivement, ces chaussures de trail ne me conviennent pas du tout. J'ai hâte de retrouver mes chaussures de montagne.

L'autre problème du jour, c'est encore l'eau. J'ai une source en vue à 20 miles (32 km). Je passe devant plusieurs points d'eau qui ne sont pas facilement exploitables. Je ne veux pas risquer de colmater mon filtre à eau. Enfin ma source est bonne ("Robin Bird Spring" la source du rouge-gorge) et je peux faire le plein avant de repartir. Je pense faire encore 6 miles pour atteindre un autre point d'eau.

Quand j'arrive vers 20h, les autres sont arrivés un peu avant. Il y a une belle source qui coule abondamment par un tuyau dans un bassin. Je peux faire un brin de toilette, surtout me laver les pieds facilement. C'est encore un autre inconvénient des chaussures basses, tous les soirs il faut faire un bain de pieds car ils sont noirs. Quand l'eau est rare c'est un problème.

Comme il fait beau, qu'il n'y a pas de vent, nous sommes sous les pins, je choisis de ne pas monter la tente.

La nuit a été froide et mon pied me fait toujours mal. Je prends comme hier un comprimé d'Ibuprofen, c'est ce que j'ai trouvé de plus efficace. Mon objectif est de faire 23 miles. Là, je devrais trouver une "water cache", sinon, je devrai faire 6 miles de plus.

Je fais mon plein d'eau et me voilà parti. Après un courte montée, c'est une longue descente de 600 pieds (1800 mètres), puis une remontée à une altitude de 1800 mètres.

Vers 17 heures j'atteins le point d'eau et mes compagnons sont déjà installés. Il y a pas mal de vent et peu de place pour monter la tente. Je vais encore faire du "cow-boy camping" à l'abri d'un rocher. Le froid tombe avec l'arrivée de la nuit.

Mon pied va mieux. Je ne sens presque plus rien bien qu'il soit toujours enflé. Ce soir si tout va bien, je dormirai dans un lit et j'aurai droit à un repas digne de ce nom.

Le chemin remonte jusqu'à plus de 2100 mètres d'altitude pour ensuite redescente vers la route à un col nommé "Walker Pass". Juste avant le col je rejoins mes compagnons qui ont fait une halte. Seulement Francis décide de venir avec moi à Lake Isabella où je compte me réapprovisionner. Les autres continuent leur route.

Nous faisons du stop et rapidement nous sommes pris par un couple dans une luxueuse limousine qui nous emmène directement à un hôtel. La voiture est très propre et climatisée. Nous sommes très sales et nous confondons en excuses.

L'hôtel qui était recommandé dans notre guide se révèle être plutôt sale et assez cher (50$ la chambre) mais pour une nuit ça ira bien. A proximité il y a une laverie, plusieurs restaurants et un supermarché.

Après un bon petit déjeuner, nous repartons en stop. Il nous faudra trois "lifts" pour retourner à Walker Pass. Autant l'aller était luxueux, autant le retour est rustique. La première voiture est un couple d'obèses dans une petite voiture. La femme conduit car je pense que son compagnon en est incapable. Il a beaucoup de mal à s'extraire de la voiture pour nous laisser accéder aux places arrières. Ce sont toutefois des gens très sympathiques. La deuxième voiture est plutôt un petit camion conduit par une femme qui fume beaucoup. Elle est accompagnée de son chien qui montre les dents. Il n'a pas l'air d'apprécier notre présence. La troisième voiture fait demi-tour après être passée devant nous. Les deux occupants, assez jeunes, ont changé d'avis. Ils acceptent de nous prendre en échange d'un peu d'argent. Je crois qu'ils en avaient besoin pour renouveler leur stock de bières.

Aujourd'hui, je ne parcours que 28 km environ. Il est vrai que je ne commence à marcher que vers 11h.

 Quelque part entre Walker Pass et Kennedy Meadows.

C'est une belle journée qui se termine vers 18h 30 près d'une source pas très abondante mais l'eau est claire et bonne. Malheureusement, il n'y a pas de place pour monter la tente et je dois encore faire du "cow-boy camping". Je commence à m'y habituer. Je teste un nouveau plat composé de 150 g de spaghettis "cheveux d'ange" (ils cuisent en 5 mn) cuits dans 1/2 litre d'eau avec un bouillon cube et du thon en sachet aluminium. C'est copieux et assez appétissant. Je préfère quand même le hamburger frites.

La journée est longue. Il y a de l'eau à 15 miles ou 25 miles. C'est un peu court ou un peu long. Je choisis l'option longue. Comme ça, je n'aurai plus que 15 km à faire demain pour atteindre Kennedy Meadows. Je n'aime pas beaucoup cette étape. Elle me fait traverser pendant des heures une grande partie de forêt brûlée. Je trouve cela déprimant. De plus en fin de journée, juste avant que j'arrive, un orage se déclanche. Il ne sera pas très violent mais j'ai quand même dû m'arrêter pour mettre mon vêtement de pluie. C'est la première fois depuis mon départ que j'ai un peu de pluie.

Je plante la tente près d'un petit ruisseau et je soupe à l'abri.

Petite journée de marche, mais qui me mène à un tournant de mon voyage. En effet Kennedy Meadows est considéré comme la fin du Sud de la Californie et la porte de la Sierra. C'est un endroit bien particulier. Ce n'est ni une ville, ni un village. Dans un endroit un peu vallonné, il y a quelques caravanes ou petites maisons de bois éparpillés et desservis par des chemins de terre. Le centre de l'agglomération est le "General store", un bâtiment en bois qui est à la fois un magasin où l'on vend de tout (quincaillerie, alimentation, articles de chasse et pêche), un bureau de poste, un bar et un restaurant. On peut également y prendre une douche et y planter la tente.

Il y a aussi à Kennedy Meadows, un cyber café dont je trouve une publicité sur le bord du chemin. Il est tenu par Tom qui met à la disposition des randonneurs, des PC, des boissons fraîches et des lits aménagés dans de vieilles caravanes. Lorsque j'arrive chez Tom, je suis hélé par Maggie qui a dû arriver hier. Elle m'explique qu'elle attend un ami pour continuer. J'entre, me désaltère, puis je vais au "General store" à une centaine de mètres pour m'assurer que j'ai bien reçu tout mon matériel, piolet, chaussures et "boîte à ours". Effectivement tout est là. Je suis soulager. Il me reste à manger (2 hamburgers frites feront l'affaire pour le moment).

Je passe le reste de la journée avec un PC pour faire du courrier et mettre à jour mon blog.